L'orage | Laurent Alacoque

A l’aplomb des montagnes s’agrègent les nuages,
Comme des dragons de glaces qui grondent et se défient.
De leur bruyant combat prend naissance la pluie
Qui emplit l’air du soir du parfum de l’orage.

Une eau teintée d’argile ravine les côteaux,
S’amalgame en ruisseaux, réveille les torrents,
Assoupis dans leurs lits jusque là bien trop grands,
Ils retrouvent leur hardiesse sous la pression des eaux,

Et se heurtent au barrage qui verrouille la vallée.
Des trop-pleins de l’ouvrage, comme autant de gargouilles
Se frayent des flots de boue, de limon et de rouille,
Qui gonflent et qui attisent la rivière déchaînée.

A l’embouchure, le fleuve, comme un fauve captif,
Y puise l’énergie, de défier ses geôliers,
Débordant de la digue, submergeant la chaussée,
Il redessine la plaine de méandres lascifs,

Aveugle et insouciant de la force qui l’habite,
Il va ivre et puissant, sans dessein et sans rage,
balayant les maisons, dépeuplant les villages,
Grisé de liberté, il n’a plus de limite.