Narcisse | Solène Lépinay

Qui es-tu, l'inconnu ? Tu sembles être un dieu,
Mais tu vis dans cette eau et non pas dans les cieux ;
Je vois ta bouche émue, pourtant je n'entends goutte,
Et comme moi tu as les yeux remplis de doute.

J'ai voulu te toucher pour mieux te découvrir,
Mais j'ai vu aussitôt ton minois s’évanouir ;
J'ai voulu embrasser ta céleste beauté,
Mais tout geste envers toi n'a fait que te l'ôter...

Cependant tu es là à répondre à mes vœux ;
Toi aussi tu voudrais caresser mes cheveux :
L'extase est partagée ! Mais soudain je m'arrête,
Et m'approche de toi, curieuse conquête.

Misère ! C'est donc moi qui moi-même me charme,
Et tire de mes yeux ces amoureuses larmes ;
Celui vers qui je tends mes bras et ma ferveur,
Est le même qui souffre à la rive et qui pleure.

À un désir fatal me voilà condamné,
Ma beauté, tu as fait de mon cœur un mort-né,
Je voulais rester seul, mais mon reflet me tue,
Ainsi Narcisse meurt de s’être trop connu.
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